5 octobre 1940, à Aincourt, en zone occupée, le gouvernement de Pétain ouvre un camp d'internement
C'est un sanatorium abandonné depuis l'avance des armées nazis en région parisienne. Marc Chevalier, préfet de Seine-et-Oise, dès le 5 octobre 1940, va le réquisitionner pour y interner des communistes ou supposés l'être, tous fichés avant-guerre par les Renseignements généraux pour leurs activité politique ou syndicale.
Et voici un sanatorium transformé en camp d'internement par les premiers prisonniers, après la rafle de 182 communistes ou supposés l'être. Ils déboisent les alentours du pavillon Bonnefoy-Sibour, l'encerclent de trois rangs de barbelés; ils construisent aussi les guérites et les miradors de leurs gardiens. Fin décembre, ils s'entassent à 670 dans un bâtiment initialement prévu pour 150 malades. Ils sont incarcérés là, sans jugement ni procédure judiciaire à leur encontre.
Marcel Peyrouton, ministre de l'Intérieur de Vichy, se félicite de l'emplacement du camp, isolé, sans transport en commun pour le desservir, ce qui est bien, car "les familles des internés n'auront pas l'idée de venir manifester en ses abords".
Aincourt est administré avec un zèle excessif par son directeur, le commissaire de police Andrey, ancien des Renseignements généraux, sous les ordres du non moins collaborationniste préfet de Seine-et-Oise: Marc Chevalier. Celui-ci se permet d'écrire à son ministre ou à la prison allemande de Compiègne, pour que soit appliqué le régime draconien sévissant dans le camp: brimades et sanctions de toutes sortes, transfert dans des prisons ou dans d'autres camps pour "les plus dangereux d'entre eux", avec pour ceux-ci avis à la Feldkommandantur de Saint-Cloud. De sorte, les Allemands vont puiser parmi eux nombre d'otages pour la déportation ou le peloton d'exécution. Au fil des mois, l'internement reste à prédominance communiste.
Au début de 1942, Vichy décide de fermer le camp, afin que la Résistance ne soit pas tenter de libérer "ce brûlot communiste aux portes de Paris". Les hommes sont transférés ailleurs; demeurent à Aincourt qu'une centaine d'entre eux chargés d'aménager un pavillon pour interner des femmes. Elles arrivent en mai 1942: résistantes communistes, mais aussi juives et "indésirables" selon le vocable de Vichy (étrangères ou Tsiganes françaises). Huit enfants vont être internés avec leurs mères.
Le 15 septembre 1942, le camp ferme définitivement. Il devient centre de formation des GMR, Groupes mobiles de réserve aux ordres de la collaboration contre la Résistance et les Juifs. Les hommes du camp ont été transférés à Voves, autre lieu d'internement qui va être remis aux autorités allemandes; les femmes sont parties pour Gaillon; ensuite, certaines d'entre elles vont être envoyées en Allemagne et ne pas revenir des camps nazis de la mort. Les Juives ont été séparées de leurs enfants; après Drancy, elles périront toutes en déportation.
Concernant les hommes, Aincourt reste aussi l'antichambre de la mort ou de la déportation: 7 internés sont fusillés au Mont-Valérien; plus d'une centaine sont déportés en Allemagne et peu en reviendront. ils ont tous été désignés comme otages par le directeur du camp avec l'aval du préfet de Seine-et-Oise. Marc Chevalier, qui dans son communiqué à la population de Seine-et-Oise, dit soutenir la collaboration de la France avec le Reich hitlérien et jugeant de "mauvais citoyens" ceux qui perpétuent des "actes de sabotages contre le matériel des armées d'occupation". Sabotages exercés à cette date par le Parti communiste clandestin.
La mémoire contre l'oubli, voilà ce qui doit entourer le camp d'Aincourt et les 1056 hommes, femmes et enfants qui y furent détenus par l'Etat français de Pétain.
Chaque année, le premier samedi d'octobre, jour anniversaire de l'ouverture du camp, se déroule une cérémonie patriotique devant la stèle commémorative de ce tragique évènement, à l'hôpital public d'Aincourt. Cett année, elle se déroulera le 3 octobre à 15h.
Le Temps des Cerises a édité mon travail d'écriture à ce sujet, puisé directement dans les archives de l'ex-Seine-et-Oise concernant le camp d'Aincourt.