Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Archives

Publié par Le Mantois et Partout ailleurs

Un article de Marianne du 20 mai 2014:

Un émir qui privatise un étage de l'hôpital Ambroise-Paré à Boulogne-Billancourt et c'est toute la planète médiatique qui est en émoi. A raison. Sauf qu'une telle pratique n'a rien de nouveau. Et c'est bien ce que regrette une partie du personnel médical qui n'apprécie guère, dans cette histoire, l'argumentaire déployé par Martin Hirsch, le patron de l'AP-HP, pour justifier ce « séjour » du riche patient.
 

L'histoire révélée par Le Canard enchaîné a agité les médias en fin de semaine dernière. Début mai, un riche émir, accompagné de toute sa suite, a privatisé tout un étage de l'hôpital Ambroise-Paré à Boulogne-Billancourt. Choquant ? En effet. Mais malheureusement, cette affaire n'a rien de nouveau. « Ça fait des années qu’existent ces pratiques. Là, c’est enfin mis en lumière et ça montre combien c’est n’importe quoi » s’emporte Patrick Pelloux, le médiatique syndicaliste urgentiste. « C’est la loi Bachelot qui avait gravé dans le marbre cette pratique, avec l’espoir de rapporter de l’argent. Sauf que l’on n'est pas foutu de récupérer ces sommes, la plupart du temps » poursuit-il. Les informations du Journal du dimanche  semblent lui donner raison : l'AP-HP (l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris) cumulerait, en 2012, près de 90 millions d'euros d'impayés de la part d'organismes et de patients étrangers.


« En plus, poursuit Pelloux, Martin Hirsch (le directeur général de l'AP-HP, ndlrexplique que ça ne posait pas de problèmes puisque cela intervenait durant le pont du 8 mai où l’hôpital se retrouve avec des lits vides. Or c’est faux : il y a dû avoir des malades qui ont été redirigés vers d’autres structures ». Et pour l'urgentiste d'aller même jusqu'à expliquer que désormais, l'hôpital connaît « une forme de corruption moderne, corruption car on remet en cause l’égalité des soins »...
 
Chez les syndicats, l’annonce a aussi du mal a passer, comme en témoigne Rose-May Rousseau, secrétaire général de l’Usap-CGT : « On doit garder nos valeurs d’égalité d’accès aux soins qui sont au centre de notre mission de service public. Or, en déroulant le tapis rouge à un patient et en lui permettant de privatiser neuf chambres durant six jours, simplement parce qu’il a de l’argent, on glisse vers un système où c’est la carte bleue qui définit la priorité d’accès aux soins. Et ça, c’est inacceptable ». Pour la syndicaliste, cette affaire révèle surtout le désengagement de l’Etat depuis des années : « C’est un choix que de vouloir favoriser le tourisme médical. Mais il ne faut pas que ça se fasse aux dépens de tout les autres patients », prévient-elle. Surtout lorsque ce choix entraîne « des ardoises qui dépassent le million » nous glisse-elle aussi.

 
Il n’y a peut-être que la présidente de la commission des Affaires sociales à l'Assemblée, la députée PS Catherine Lemorton, qui ne voit pas grand-chose à redire dans cette histoire. Du moins, insiste-t-elle prudemment, si l'on en croit les déclarations de Martin Hirsch. « Ce n’est pas vraiment nouveau. Il suffit de voir ce qu’il se passe dans des cliniques du Sud de la France. Je comprends l’émotion, car on est dans le cas d’un hôpital public. Mais si je me réfère à ce qu’a dit Martin Hirsch, si on fait payer plus chère la prestation et qu’elle n’a pas eu d’incidence sur des éventuels futurs patients, c’est même plutôt bénéfique », juge-t-elle. Pour la député, si ce genre d’événement est encadré et qu'il permet à « celui qui n’a rien de passer toujours devant les émirs ». Tout irait donc au mieux dans le meilleur des mondes ? « Il est vrai que ça nécessite une transparence totale ». Une transparence qui, aujourd'hui, n’est pas d’une évidence folle.
 
A contrario, le professeur André Grimaldi, défenseur sans relâche de « la santé pour tous », voit dans cette affaire une véritable mascarade : « Premièrement, lorsque Monsieur Hirsch se félicite que les patients étrangers paient 30 % plus cher, j’ai envie de lui dire d’aller regarder du côté des Etats-Unis et ce qu’aurait payé le patient d'Ambroise-Paré. Cette somme est ridicule par rapport au poids financier des personnes en question. D’autant qu’elles ne participent en rien à la construction de notre système de santé que nous finançons, avec nos impôts ou nos assurances. C’est pour cette raison que, dans une logique d’équité, il faudrait les faire payer beaucoup plus ». Surtout ce genre d’initiative remettrait en cause le principe « d’égalité-qualité » selon le professeur, « pour que notre système de soin reste le meilleur, il ne faut pas que la qualité soit réservée à certains particuliers. Ce qui est vraiment inacceptable, c’est que Martin Hirsch nous explique que ces prestations permettront d’aider à soigner “les patients précaires”. Or le service public ne marche pas à la charité, mais à l’égalité », recadre-t-il.
 
Serions-nous donc en train de glisser vers un système de santé à deux vitesses ? Question métaphysique de journaliste pour Patrick Pelloux :« Ça fait longtemps qu’elle n’est plus à deux vitesses, mais en boîte automatique. Il y a les pauvres, français ou étranger, qui ne peuvent aller que dans certains établissements qui les acceptent. Il y a la classe moyenne qui bénéficie de la sécurité sociale et qui a, de temps en temps, une mutuelle complémentaire et arrivent plus ou moins à se faire soigner correctement si elle a la patience d’attendre. Et puis il y a ceux qui ont de l’argent et qui peuvent se faire soigner vite et par les meilleurs ».
 
Note de ma pomme: du coup, un dessin pour illustrer...
 
Privatisation de l'hôpital public: l'émir qui révèle la forêt

Commenter cet article