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Publié par Le Mantois et Partout ailleurs

 D'avril à juillet 1994, Le Rwanda connut  le massacre de masse de sa population tutsie ainsi que des Hutus solidaires des Tutsis. Ce fut le génocide le plus rapide de l'histoire et celui d'une plus grande ampleur en nombre de tués par jour. L'ONU estime à environ 800 000 morts en 100 jours. 

La France de la Françafrique, par son armée, était présente depuis le début des 1990 au Rwanda. Elle y est aussi présente au moment du génocide intervenue sous François Mitterrand qui cohabite avec un gouvernement de droite dirigé par Balladur avec Juppé aux Affaires étrangères.

Des accusations perdurent contre le rôle de  la France à cette époque. La France de François Hollande devait participer au 20e anniversaire de ce génocide. Or le président du Rwanda vient de pointer du doigt Paris. Du coup, l'Elysée a décidé de plus envoyer de délégation officielle, sinon la participation de l'ambassadeur de France au Rwanda. Mais ce pays vient de déclarer non grata ce dernier aux cérémonies.

 

Dans une enquête détaillée, signée Christophe Boltanski et Jean-Baptiste Naudet, Le Nouvel Observateur de cette semaine reprend point par point, les accusations qui pèsent sur le gouvernement d’alors.

 

1 La France pilotait-elle les troupes rwandaises ?

Dès le début des années 90, la France est engagée au Rwanda, officiellement pour protéger les ressortissants européens. L'opération Noroit est lancée par les troupes françaises, belges et zaïroises, après une offensive des rebelles tutsi sur la frontière nord. La France reste sur place, pour soutenir le régime du président hutu Juvénal Habyarimana. 

Le Nouvel Obs raconte comment la France va « de facto » prendre le commandement de l’armée rwandaise face au rebelles du Front patriotique rwandais (FPR). Dans un livre publié en 2011, le général Didier Tauzin décrit ainsi comment, sur le terrain, ses hommes règlent les batteries pour que les servants rwandais n’aient plus qu’à appuyer sur le bouton.

Ces opérations n’ont aucun fondement légal. Un accord militaire de 1975 ne recouvre que l’organisation et l’instruction de la gendarmerie. Ce « parapluie militaire » aurait permis au régime de préparer le génocide des Tutsi.

 

2 Voulait-elle garder de l’influence sur la zone ?

La France craint alors que l’offensive tutsi ne soit télécommandée via l’Ouganda par les Anglo-saxons, et ne vise à enfoncer un coin dans l’influence de la France sur la région.

Ainsi, François Mitterrand déclare à ses ministres, le 3 mai 1993 :

« A cette querelle ethnique s’ajoute la volonté de puissance du président de l’Ouganda, qui appartient à l’ethnie tutsi et qui représente l’Afrique anglophone. »

Le Nouvel Observateur cite également le directeur de cabinet de Pierre Joxe, alors ministre de la Défense, qui se souvient avoir entendu Roland Dumas – prédécesseur d’Alain Juppé aux ministères des Affaires étrangères – comparer la situation à Fachoda, site d’une bataille franco-britannique perdue par la France au Soudan en 1898.

Cette référence à une défaite française, point culminant de la course aux territoires entre la France et le Royaume Uni sur le continent noir, marque la crainte de perdre en influence dans la région.

 

3 Souhaitait-elle vraiment la paix ?

Le 26 février 1993, Pierre Joxe, le ministre de la Défense, écrit au Président pour lui faire part de ses inquiétudes : Juvénal Habyarimana se sent trop protégé par la France, et n’est donc pas enclin à se soumettre aux accords de paix d’Arusha.

Pourtant, plutôt que de mettre la pression sur son allié, François Mitterrand va choisir de poursuivre le soutien militaire de la France au régime. Le Nouvel Obs note également que la France ne semble pas s’intéresser outre mesure aux négociations de paix. C’est un second couteau – Jean-Christophe Belliard – qui est envoyé à Arusha, en Tanzanie, après le départ rapide de l’ambassadeur.

Enfin, les accords signés auraient été jugés par la France trop favorables au Front patriotique rwandais. L’Obs cite le général Christian Quesnot :

« De fait, les forces armées rwandaises passaient sous la coupe de Kagame. On considérait que ce n’était pas acceptable pour les Hutu. »

 

4 La France du côté des génocidaires ?

Les massacres commencent après que l’avion du président Habyarimana a été abattu, le 6 avril 1994. Il faudra toutefois attendre le 18 mai pour qu’Alain Juppé parle de « génocide » plutôt que de « tueries interethniques ». Mis en cause ce dimanche par Kagame, l’ancien ministre des Affaires étrangères réagit sur son blog :

« Il serait aujourd’hui intolérable que nous soyons désignés comme les principaux coupables. [...] Il est rigoureusement faux que la France ait aidé en quelque manière les auteurs du génocide à préparer leur forfait. »

La France de Mitterrand est pourtant accusée d’avoir pris parti pour les génocidaires, de les avoir reçus à Paris et d’avoir livré en sous-main du matériel militaire. Edouard Balladur, alors Premier ministre de cohabitation, jure avoir mis le holà aux livraisons officielles, mais d’autres canaux auraient continué à fonctionner malgré l’embargo imposé par les Nations unies.

Deux jours après le déclenchement du génocide, les troupes françaises sont sur place pour évacuer les ressortissants européens, ainsi que quelques dignitaires hutu. En revanche, les soldats n’embarquent pas le personnel tutsi présent à l’ambassade de France (sauf une personne). Ils seront tous massacrés. Etrangement, les télégrammes diplomatiques de cette période ont disparu.

 

5 L’opération Turquoise, complice des massacres ?

Quant à l'opération Turquoise, lancée sous mandat de l’ONU à l’été 1994, elle continue à diviser : elle a certainement permis de sauver des vies tutsi, mais l’armée est accusée d’être restée passive – et donc complice – face aux atrocités. A Bisesero, les soldats ont ainsi laissé des rescapés tutsi à la merci de tueurs pendant plus de trois jours.

Pour certains, l’intervention française aurait même eu pour but de contrer une nouvelle fois les rebelles du Front patriotique rwandais, et de faciliter la fuite des génocidaires.

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