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Publié par Le Mantois et Partout ailleurs

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Selon le ministère de l’écologie et du développement durable, le secteur des transports était en 2011 le premier secteur émetteur de gaz à effet de serre en France, représentant plus d'un quart des émissions. Alors que l'objectif affiché par le Grenelle de l'Environnement était de parvenir à une part du fret “ non routier non aérien ” dans le fret total de 15,75% en 2012, cette part n'était que de 11,7 % en 2011, et les marchandises transportées par route ont continué de progresser, passant de 157, 5 milliards de tonnes-kilomètres en 1995 à 165,8 en 2012

 

Contre-leçon numéro 1. Taxer les poids lourds qu'on a soi-même mis sur les routes.

L'écotaxe, dont il est beaucoup question ces derniers temps, concerne les poids lourds de plus de 3,5 tonnes. Commençons par rappeler que c'est le même gouvernement qui en décembre 2012 a signé l'arrêté autorisant la circulation des giga-camions de 44 tonnes sur les routes. Cette mesure devrait coûter, d’après une étude faite par le Conseil général du développement durable, entre 400 à 500 millions d’euros de surcoût à la collectivité pour l’entretien des routes. 

 

Contre-leçon numéro 2. Faire supporter l'entretien des routes par la collectivité.

Ces coûts sont en effet supportés en grande partie par les conseils généraux. La route est un des seuls moyens de transport dont les dépenses sont entièrement socialisées, faussant totalement les études d'opportunité économique. En effet, un certain nombre de coûts – évalués à 650 milliards d'euros au niveau européen, 85 milliards pour la France – ne sont pas pris en compte dans la définition du prix de marché mais supportés par d'autres acteurs : pollution de l'air, de l'eau et des sols, accidents, congestions, contribution au dérèglement climatique... Si l'on réintégrait ces coûts externes liés au transport de passagers, le train est 3 fois plus performant que la voiture, 2 fois plus que l'avion, et 1,5 fois plus que l'autocar. Et la tendance se confirme pour le transport de marchandises : le fret ferroviaire est 4 fois moins coûteux que le routier et 15 fois moins que l'avion.  

 

Contre-leçon numéro 3. Démanteler la SNCF et négliger le fret ferroviaire.

Certes, les recettes de l'écotaxe sont censées être utilisées au financement des infrastructures de transport. Mais pour bénéficier au report modal vers le fret, encore faudrait-il disposer d'un plan de modernisation du rail. Las, dans les rapports successifs issus du ministère, on cherche en vain un plan de développement du fret digne de ce nom. Et ce ne sont pas les paquets ferroviaires européens successifs de libéralisation du rail qui vont arranger les choses. Comme on peut le constater depuis l'ouverture à la concurrence et le démantèlement de la SNCF en branches distinctes, la recherche de rentabilité a pris le pas sur les investissements et l'activité de fret, malgré les objectifs du Grenelle de l'Environnement, n'a visiblement pas été jugé suffisamment rentable pour être développée. 

 

Contre-leçon numéro 4. Exonérer les autoroutes. 

Il y a aujourd'hui quelque 8 600 km d'autoroutes en France, soit l'équivalent de la distance de Paris à Bogota. Or, l'écotaxe dont il est beaucoup question en ce moment ne concerne pas les infrastructures autoroutières. Le décret précise bien qu'elle ne concerne que les routes nationales non payantes et les routes départementales qui contournent les itinéraires payants. Ces autoroutes sont majoritairement gérées par trois groupes privés : Vinci, Eiffage et l'espagnol Abertis. C'est le gouvernement de Villepin qui a conclu l'opération de bradage en 2006, contre l'avis de la majorité des Français qui étaient 70% opposés à cette privatisation selon les sondages. Résultat, alors que les investissements de départ ont été pris en charge par les contribuables, ce sont aujourd'hui les multinationales qui ramassent la mise. Sans compter que plus de 95% de leur chiffre d'affaires provient des péages, c'est-à-dire de nos poches. En somme, nous payons pour utiliser des autoroutes que nous avons contribué à financer par nos impôts et dont les recettes alimentent les profits des grandes entreprises. 

 

Contre-leçon numéro 5. Faire des cadeaux aux concessionnaires privés. 

Et comme si ça ne suffisait pas, sans même parler du scandale du contrat passé avec Ecomouv, voilà que le gouvernement actuel se met dans les pas de la droite : le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, veutprolonger de trois ans la durée d'exploitation de nos autoroutes par les groupes Vinci, Eiffage et Albertis. Tout ceci commence à ressembler à un joli scandale en direction du lobby autoroutier et rappelle étrangement d'autres précédents, sous un autre gouvernement. Déjà en janvier 2010, le ministre Jean-Louis Borloo posait aux côtés de cinq concessionnaires pour dévoiler leurs nouveaux « engagements verts » : plus d'un milliard de travaux, financés par l'octroi d'une année supplémentaire de concession. Sous couvert de “ relance verte ”, en échange d'investissements qui de toutes façons devaient être programmés, nous avons donc fait cadeau à ces groupes privés d'une année de concession et des recettes qui vont avec. Avec quelques perles du « greenwashing » comme ce magnifique “ péage sans arrêt ”, censé faire baisser les émissions de gaz à effet de serre, qui en fait permet surtout de développer les technologies de surveillance, à faire passer plus de voitures et ainsi augmenter encore les recettes des concessionnaires. C'est dans ce contexte qu'a été initié L'appel des élus contre la privatisation des autoroutes

 

Résumons : 

cadeau aux concessionnaires privés d'autoroutes, coûts externes de la route pris en charge par la collectivité, coût du rail gonflé, démantèlement de l'entreprise intégrée SNCF et absence de plan fret... Si on profitait du débat sur l'écotaxe pour ouvrir sérieusement le débat sur une vraie planification du report modal en France ?

Corinne Morel-Darleux de la Fondation copernick et secrétaire nationale à l'écologie du Parti de gauche.

Source: Médiapart du 9 novembre 2013

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