Avant la Grande Guerre, la préparation militaire des enfants
"Je vis les yeux fixés sur la frontière (...) Depuis dix ans, j'ai commencé ce rêve", s'écrie, dans son poème Le Clairon, Paul Déroulède, farouche militant nationaliste et fondateur de la Ligue des patriotes en 1882, lequel ne manque pas une occasion d'aller fleurir la statue de Jeanne d'Arc à Paris. Oui, déjà... Son Chants du soldat sera couronné par l'Académie française et vendu à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires.
Mais l'humiliation de la défaite militaire de 1870 et la perte de l'Alsace-Moselle depassent le simple camp nationaliste. Le gouvernement de Jules Ferry met en place des mesures de préparation militaire de l'école primaire jusqu'à la conscription. Son ministre de la Guerre, le général Farré, n'y va pas par quatre chemins en déclarant devant les députés, en juin 1881, que le service militaire, "pour porter ses fruits doit avoir été précédé d'un dressage préliminaire spécial acquis à l'école."
La loi du 28 mars 1882 met donc la gymnastique et les exercices militaires au nombre des matières à enseigner dans les écoles de garçons. Au programme: marche au pas et à la boussole, maniement de bâtons ou de fusils en bois jusqu'à l'apprentissage du tir pour les plus grands.
Mieux, 146 bataillons scolaires vont être formés dans 49 départements sur 87 en 1886. Ils vont parader dans les cérémonies patriotiques du 14 juillet, lors de la fête communale ou de la remise des prix aux élèves méritants de la République.
Si cette expérience se clot en 1892, parce que cela coûte cher aux communes (achat de matériel, d'uniformes, de tambours, fiffres et clairons), le programme scolaire dévolu aux élèves de 10 ans et plus est ainsi précisé: "deux fois par semaine nos enfants sont exercés à la gymnastique, les élèves du cours supérieur sont en outre exercés au maniement du fusil". (Monographie communale de Maisons-Laffitte écrite à l'occasion de l'Exposition universelle de 1900).
Les circulaires ministérielles de mars-avril 1907 imposent la création de société de tir dans les écoles normales, puis dans le secondaire et enfin dans le primaire. Dans celui-ci, "les instituteurs sont invités de façon pressante" (...) à leur création et à "y ajouter une section post-scolaire, à peu de frais".
Des sociétés de gymnastique et de tir vont être aussi créées, telle la Vigilante (tout un programme) à Mantes-sur-Seine. Le patronage laïque de cette ville n'est pas en reste. Fort de 150 membres et de 105 pupilles, il pratique "l'intruction et la pratique du sport en prenant pour guide de culture physique et morale le programme d'examen du brevet d'aptitude militaire et les jeux et exercices pratiqués dans l'armée".
La Première Guerre mondiale peut débuter et la France peut compter sur le patriotisme des ses soldats présents et à venir.
Et dès le 7 août 1914, le ministre de l’Instruction, Albert Sarraut, avertit les instituteurs: leur devoir est de "faire comprendre aux enfants les événements actuels et d’exalter dans leur cœur la foi patriotique. […] La première parole du maître aux élèves doit hausser les cœurs vers la patrie et sa première leçon honorer la lutte sacrée où les armes sont engagées".
Souces: Bnf et archives de Seine-et-Oise