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Publié par Le Mantois et Partout ailleurs

La cour d’appel de Versailles, on le sait, a jugé illégale la publication, par Mediapart et Le Point, d’enregistrements réalisés au domicile de Liliane Bettencourt, à son insu. Le 15 juillet, l’ex-gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt, Patrice de Maistre, a signifié à Mediapart et au Point l’arrêt de la cour d’appel de Versailles, le rendant ainsi exécutoire dans un délai de huit jours.

Nos confrères, qui ont décidé de se pourvoir en cassation, doivent ce lundi soir retirer tous les articles portant sur ces enregistrements réalisés par le majordome de la milliardaire. C’est plus de cent articles, fichiers vidéo et audio que Mediapart doit supprimer, sous peine de très lourdes pénalités.

Dès le jugement prononcé par la cour d’appel de Versailles,Rue89 s'est proposé de donner asile au dossier Bettencourt de Mediapart, par solidarité avec nos confrères, mais aussi pour protester contre une décision judiciaire qui menace la liberté d’informer et qui, selon nous, contrevient à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Comme 34 autres titres de presse et une douzaine d’associations, nous avons par la suite signé l’appel "Nous avons le droit de savoir". Et nous avons décidé, avec d’autres (Arrêt sur images, Reporters sans frontières, Le Soir, Yagg...), de republier ces documents.

Mediapart ne nous a rien demandé : ils n’auraient de toute façon pas le droit de le faire.

Voici donc, ci-dessous, l’intégralité des documents censurés sur décision de la cour d’appel. Et pour donner une idée de ce qu’ils recèlent, deux documents bruts.

 

1. Patrice de Maistre fait signer des chèques à Liliane Bettencourt

Le 4 mars 2010, Patrice de Maistre fait signer trois chèques à sa patronne Liliane Bettencourt : « Ce n’est pas cher et ils apprécient. » Sont concernés Valérie Pécresse (seule des trois à être candidate à l’époque, aux élections régionales en Ile-de-France), Eric Woerth, alors ministre du Budget, et Nicolas Sarkozy, alors président de la République.

Patrice de Maistre fait signer des chèques à Liliane Bettencourt
 
 

2.Patrice de Maistre explique avoir embauché Florence Woerth parce qu’elle était la femme du ministre

Cet extrait est plus édifiant encore. Il vaut aujourd’hui à Patrice de Maistre d’être poursuivi pour trafic d’influence. Nous sommes le 23 avril 2010, et Patrice de Maistre éreinte Florence Woerth, engagée sur la demande de son mari de ministre.

Le conflit d’intérêts est clairement décrit par le chargé de fortune de Mme Bettencourt : « Avoir la femme d’un ministre comme ça, ce n’est pas un plus, c’est un moins. » « Tout est mélangé », insiste-t-il, assurant avoir embauché Florence Woerth à la demande de son époux ministre, « pour lui faire plaisir ».

« Avoir la femme d’un ministre comme ça, ce n’est pas un plus, c’est un moins. »
 

3.Le dossier Bettencourt

A télécharger sur Rue89 de ce jour.

La justice a raison de considérer que ces enregistrements relèvent de la vie privée des occupants de l’hôtel particulier de Liliane Bettencourt : le majordome de celle-ci, lassé de voir sa patronne « se faire abuser par des gens sans scrupules », a certes volé ces conversations de façon déloyale.

Mais nos confrères, eux, n’ont fait que leur travail : ils ont écouté les enregistrements, découvert qu’ils recelaient des informations importantes qu’il était légitime de diffuser. Paradoxalement, la justice a elle aussi considéré comme légitime d’exploiter ces documents devenus publics : c’est sur leur base que plusieurs personnes ont été mises en examen !

S’agissant des affaires publiques, résume notre « Appel pour le droit de savoir », la publicité doit être la règle et le secret l’exception :

"Rendre public ce qui est d’intérêt public est toujours légitime, notamment quand le secret protège indûment des injustices et des délits, des atteintes au bien collectif ou aux droits humains. Ainsi la sécurité des Etats ne saurait empêcher la révélation de violations des libertés individuelles, pas plus que la sauvegarde de l’intimité de la vie privée, impératif par ailleurs légitime, ne saurait être l’alibi d’infractions aux lois communes. "

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