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Publié par Le Mantois et Partout ailleurs

Mathias Cillard, ouvrier zingueur, garde voies et communication au tunnel de Rolleboise, lors de la Grande Guerre

Mathias Cillard est né le 11 novembre 1869 dans le village breton de Plouégat-Moysan. Dans cette commune du Finistère, ses parents ne savent ni lire ni écrire. Cultivateurs, ils élèvent une famille nombreuse.

Mathias Cillard et son épouse Françoise ne savent pas plus lire et écrire lorsqu'ils s'installent comme journaliers agricoles à Chaussy, en Seine-et-Oise, aujourd'hui dans le Val-d'Oise. Les deux époux appartiennent à cette émigration chassée par le mal-vivre de leur Bretagne natale. Ils font souche à Chaussy où naissent leurs deux enfants en 1897 et 1898. Les actes d'état-civil notent que le père ne sait pas signer. Pour ces « voyageurs vers les environs de la capitale », il faut « savoir se coucher dans la paille, se nourrir de pain sec et ne recevoir de salaire qu’à mesure de faire du bon ouvrage », énonce la chronique.

Lui devient ouvrier zingueur à l'usine de La Vieille-Montagne à Bray-et-Lû, village voisin, elle demeure journalière agricole.

Mathias Cillard, ouvrier zingueur, garde voies et communication au tunnel de Rolleboise, lors de la Grande Guerre

La Société des mines et de fonderies de zinc de la Vieille-Montagne est d’origine belge et son siège social était à Liège. Fondée en 1837, elle exploitait une riche mine de carbonate de zinc sur un lieu-dit de la commune de la Calamine, Altenberg en flamand, traduit en Vieille-Montagne en français ou en wallon. L’entreprise de Bray-et-Lû est l’une de ses nombreuses usines. Elle y  possède des laminoirs à zinc et des ateliers de zingueries.

Mathias Cillard n'est pas fondeur ou lamineur. Il fabrique des gouttières et de la tuyauterie, 10 heures par jour du lundi au samedi, avec une pause de deux heures à midi. Ouvrier moins qualifié, il ne perçoit pas le 5 francs journaliers, prime comprise. Celle-ci est variable, proportionnée « tantôt au bon rendement du minerai mis en fabrication, tantôt à l’économie des matières premières, et en particulier du combustible, tantôt à la perfection et à la qualité des produits obtenus dans un temps donné. En un mot, la prime dépend essentiellement de la vigilance et de l’habileté de l’ouvrier », dit la monographie communale de 1899.

Les ouvriers disposent d'une caisse de secours et d'une caisse de prévoyance, abondées par l'entreprise. Par contre, leur caisse d'épargne dépend essentiellement de leurs économies, à un taux de 5%. L'instituteur, auteur de la monographie de Bray-et-Lû, se désespère, que peu d'ouvrier rachètent les logements loués par la Vieille-Montagne, comme à méconnaître la cherté de la vie.

Des crises contre « la vie chère » secouent le monde ouvrier, notamment en 1897 et 1898, avec son apogée en 1910-1911 dans le Nord, en Picardie, dans des endroits en Bretagne ou en Saône-et-Loire. Des socialistes revendique alors le « pain gratuit », denrée la plus consommée dans les ménages ouvriers. Cette distribution serait prise en charge par les municipalités et inscrites dans leur budget. La SFIO et son journal l’Humanité battent campagne pour s’organiser et résister face à la hausse du prix de la vie.  A la mi-septembre, à Creil, dans l’Oise, les manifestants affrontent les soldats du 54e de ligne. Joseph Caillaux, président du Conseil, ordonne aux préfets « de réprimer énergiquement toute tentative d’agitation révolutionnaire ».

Le mouvement s’essouffle et s’éteint. Il semble avoir très peu concerné la région parisienne, malgré les initiatives de la jeune CGT à Belleville et dans des communes de la proche banlieue.

Le 1er août 1914, à presque 45 ans et deux enfants, Mathias Cillard est mobilisé au 18e d'infanterie territoriale à Evreux. Il avait déjà effectué son service militaire à Brest durant 3 ans dans l'infanterie de ligne de 1890 à 1893. Là, il avait appris à parler en français. Versé dans la réserve, il avait aussi revêtu l'uniforme pour un mois d'exercice militaire en 1898 et 1899, toujours à Brest.

L’histoire retient que devant l’afflux des mobilisés dans Évreux en août 1914, la seule caserne Amey ne peut contenir tous ces militaires. La priorité est donc donné aux régiments d’active qui se forment. Dès lors, de nombreux édifices publics font office de casernements provisoires à tous les autres. Le 8 août 1918, le général, commandant de la garnison d’Évreux « a le douloureux regret de porter à la connaissance de la garnison que l'alcoolisme a produit avec intensité ses déplorables effets. Des territoriaux viennent de mourir à l'hôpital, plusieurs autres gravement atteints du delirium tremens ont dû être munis de la camisole de force ; d'autres enfin, sont atteints à des degrés différents et internés à l'asile de Navarre. Une infirmière a été violemment frappée à la tête avec une chaise (...).

Cette hécatombe sanitaire permet-elle à Mathias Cillard de demeurer sur place? Son régiment part pour la frontière allemande. Et devant les charges assassines, décimant les régiments français de ligne, à son tour, l'infanterie territoriale, en réserve, est lancée dans la bataille.

Mathias Cillard surveille donc le tunnel de Rolleboise long de plus de 2 kilomètres, entre Bonnières-sur-Seine et Mantes-la-Jolie, comme garde voies et communication, baïonnette au canon. Les soldats, entre deux patrouilles, se reposent dans des abris de fortune ou sous la tente. Mais l'ouvrier zingueur échappe à la boucherie de la Première Guerre mondiale.

Cependant, il est transféré le 10 novembre 1918 au 22e régiment d'artillerie de Versailles qui se remembre, décimé au front par les bombardements toxiques allemands.

Il va fêter son 49e anniversaire en ce 11 novembre. Heureusement, l'Armistice sonne la fin des combats ce jour-là. Mais L'ouvrier zingueur n'est démobilisé que le 30 novembre 1918.

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