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Publié par Le Mantois et Partout ailleurs

Un Conseil de Prud'hommes à Mantes-la-Jolie

Un deuxième article à l'occasion des 120 ans de la CGT: le Conseil de prud'hommes de Mantes-sur-Seine

Après le Second Empire, la 3e République doit séduire l'électorat ouvrier pour se maintenir au pouvoir. De ce fait, en 1880, elle revient à l'élection des conseillers prud'hommes au suffrage universel et au système de parité. Avec la légalisation des syndicats en 1884 et la naissance de la CGT en 1895, les revendications pour une meilleure justice prud'homale se font jour. Et la CGT tient un congrès national sur la prud'homie en 1899.

La loi du 27 mars 1907 réforme considérablement le régime des conseils de prud'hommes: procédure gratuite, ouverture de l'institution aux travailleurs du commerce, élection de femmes comme conseillers, installation d'un conseil dans une localité sur voeu de son conseil municipal auprès du ministre du Travail.

Dès 1908, l'Union fraternelle des syndicats ouvriers de l'arrondissement de Mantes, nouvellement créée, sollicite la municipalité d'Auguste Goust pour obtenir un conseil dans sa commune. Celui-ci, avant son élection comme maire, fut le président-fondateur de l'Union fraternelle.

Le conseil municipal de Mantes-sur-Seine en délibère le 24 mars 1910. La proposition émise par le maire est adoptée par 12 voix contre 1:

"Le Conseil,

Considérant  que l'Union des syndicats ouvriers de l'arrondissement de Mantes a demandé à la municipalité de faire toutes les démarches en vue de l'institution d'un conseil de prud'hommes à Mantes,

Considérant qu'aux termes de la loi du 27 mars 1907, cette création est de droit lorsqu'elle demandée par le conseil municipal où  il doit être établi,

Considérant d'ailleurs que d'autres communes peuvent être comprises dans la circonscription du conseil et participer aux dépenses à l'exception de celles fournies par la ville où le conseil est établi,

Qu'il est donc probable que des communes telles que Gassicourt, Mantes-la-Ville, Guerville, Limay, ..., où se trouvent des fabriques et usines, tiendront à faire partie de notre circonscription,

 Accepte de prendre à la charge de la ville les dépenses relatives à l'établissement et au fonctionnement d'un conseil de prud'hommes à Mantes,

 Décide d'en demander la création à M. le Ministre du Travail et autorise le Maire à remplir toutes les formalités à cet effet."

Mais le ministre du Travail tergiverse et le décret décidant d'un conseil de prud'hommes n'est signé que le 12 juillet 1912. L'élection des conseillers est fixée au 5 et 12 janvier 1913. Selon la loi de 1907, sont électeurs les hommes et les femmes du canton de Mantes de plus de 21 ans et éligibles les hommes et les femmes de plus de trente ans, résidant depuis 3 ans dans le ressort du conseil et sachant lire et écrire.

Le 18 février 1913, le Conseil prend ses fonctions en présence de M. Goust, maire de Mantes et de M. Le Mazurier, juge de paix. Il est remis à chaque conseiller la médaille au ruban rouge et bleu, insigne de sa fonction; il a été donné aussi lecture du procès-verbal des prestations de serment devant le Tribunal de Mantes des différents conseillers. Le budget de fonctionnement du conseil de prud'hommes (achat des insignes, appointements de son secrétaire, chauffage et éclairage de la salle d'audience, fournitures de bureau) est honoré par la ville de Mantes; le secrétaire en est M. Leborgne, secrétaire en chef de cette ville.

Le sort désigne que le Président soit un patron: Victor Lesueur, entrepreneur de travaux publics. Son Vice-président est Edmond Petit, typographe; celui-ci succédera au premier comme Président, l'an prochain, selon la règle de l'alternance. Les autres conseillers sont pour le collège ouvrier: Paul Boucher (maçon), Émile Lambert (plombier), Basse (mouleur),  Léopold Noinville (luthier), Mlle Rillon (couturière); pour le collège employeur: Coville (entrepreneur de maçonnerie), Langevin (entrepreneur de fonderie), Ragaud (construction), GIraud (charcutier), Bazin (boucher).

 

Une femme élue conseillère prud'homme à Mantes

En effet, l'article 5 de la loi de 1907 accorde le droit de vote et l'éligibilité aux femmes, 37 ans avant les élections politiques. Ainsi, Mlle Rillon, couturière de son état, est-elle élue à Mantes.

Mais cette avancée significative a été fortement critiquée. La Chambre de commerce de Reims dit: "Il est inutile d'insister sur les conséquences fâcheuses que cette institution ne manquera pas d'avoir en détournant la mère de famille de ses devoirs domestiques, assez nombreux pour occuper ses loisirs en dehors des heures du travail". Celle de Reims affirme que "le rôle de la femme est dans la famille et doit le rester". Il est vrai que le patronat reçut en 1900 un soutien inespéré avec Auguste Keufer, typographe et trésorier de la CGT, qui pense que "la femme a mieux à faire que d'aller dans des réunions publiques, et sa mission est de donner à la société de bons et vigoureux citoyens. Sa mission n'est pas  de prendre part à des luttes ardentes sur le terrain politique et social. Cette tâche incombe à l'homme." A cette époque, la Fédération CGT du tabac lui répond toutefois que "la femme à des intérêts à défendre et on doit lui donner des droits".

 

Bataille de la CGT pour agrandir la juridiction prud'homale à tout le Mantois

Longue bataille pour l'obtenir. Les travailleurs des autres cantons du Mantois sont soumis à un juge de paix pour les litiges autour du contrat de travail. De ce fait, ce qui est devenue l'Union locale CGT revendique un conseil de prud'hommes concernant l'ensemble du Mantois. La confédération a une piètre opinion des magistrats professionnels. La Voix du Peuple, journal officiel de la CGT, l'écrit ainsi:"les conseillers ouvriers activent la victoire du droit en refusant d'être sous le contrôle des gavés et des eunuques qui font fonction de juges, qui ont une haine féroce contre tout ce qui est ouvrier qu'ils en perdent la plus vulgaire notion d'équité."

Et l'Union locale CGT d'ajouter: "la procédure devant un juge de paix est plus longue et surtout plus coûteuse".

Pour l'heure, les Prud'hommes ne concernent que l'industrie, le commerce viendra plus tard et l'agriculture en 1932

Le canton de Guerville ne passe sous la juridiction du Conseil de prud'hommes qu'en 1933. Et le canton de Limay qu'en 1969! Oui, le patronat et ses alliés politiques résistent. On comprend pourquoi.

L'union locale CGT écrit en 1936 à la municipalité de Mantes, sur la fermeture hebdomadaire des commerces. On est sous le Front populaire et le conseil municipal de Mantes délibère ainsi, le 31 juillet 1936, sur le repos hebdomadaire obligatoire dans les magasins d'alimentation:

"Vu les articles du Code du travail relatif au repos hebdomadaire...

Attendu que la fermeture demandée n'est pas de nature à nuire aux intérêts du public...

 Demande à M. le Préfet de vouloir prendre l'arrêté réglementaire pour ordonner cette fermeture."

Oui, un autre monde, comparé aux attaques actuelles du gouvernement socialiste et du patronat contre la juridiction prud'hommale.

 

Pour en savoir plus, ma page en lien:

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