Chemin de faire
J'ai retrouvé dans le fond de mon grenier une poignée de poèmes jaunis que j'avais écrits à l'encre de mon coeur de Languedocien. Ils valent cependant ce qu'ils valent. Or j'ai l'insolence de vous les montrer sous le titre Chemin de faire, de temps en temps, dans ce monde dur et gris qu'il nous faut changer. Tous ensemble.
L'Etoile à douze branches
Janvier
Le froid a rouvert ses yeux
Les étoiles sont pauvres
Comme un marchand d'habits
Il a jeté aux vieilleries
Les coeurs gros
Mais les vivants ont raison de vivre.
Février
Inerte sous sa tombe
Il a hélé sa fiancée
D'une voix sans lèvre
Ni baiser
Qui écoute la graine du printemps?
Mars
Lorsque reviendra la primevère
Les yeux de la terre
Étincelleront du premier rêve.
Avril
Elle est revenue
De la marge des étoiles
Pour dessiner
Le sillon le soleil et l'esprit
Et puis rire rêver et chérir.
Mai
Chaque aube de plus
Fait le jour garance
Et toutes les ailes
Reprennent leur destin.
Juin
La vigne a relâché ses premiers bruits
S'élargissant des anciennes ombres
A cette heure en pareille saison
Seul encore
Le vieux vigneron rêve.
Juillet
Dans l'azur
Une voile trace son sillage
Sur le sable
Un coeur cadenassé
Oublie de la suivre.
Août
Jésus naquit en été
De la mer et du ciel étoilé
Sur une vague brodée
Douze pêcheurs l'ont recueilli
Dans leurs barques soulevées de songes.
Septembre
Du feu dans les feuilles
Et la rouille du temps avance d'un pas
Mais le soleil du muscat
Est plus fort
Que l'aiguillon du soir.
Octobre
Le vent effeuille les sarments
Et place la pierre de l'hiver
Dans le coeur des ceps
La vigne est sans aucun amant.
Novembre
Se ferment les mains des arbres
Des serments s'écartèlent
Encore tièdes d'étreintes sans fin
Les chrysanthèmes fleurissent
Comme s'écrit une épitaphe.
Décembre
Sous le fleuve de la neige
La chair des rues et le chapeau des toits
Ont disparu
Dans cette ombre blanche
Le jour retrouvera-t-il
Sa clé pour entrer?