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Publié par Le Mantois et Partout ailleurs

L'Institut CGT d'histoire sociale de la région mantaise vous convie à une conférence-débat à l’occasion du 30ème anniversaire de l’assassinat de notre camarade Ozgul KEMAL par la violence patronale, le 10 novembre 1984,

 

Mercredi 12 novembre  2013 à 17 h 00

Grande salle de la Maison des Syndicats

19, rue de la Vaucouleurs

78711 MANTES LA VILLE

Rappel des faits, avec ma page éditée à ce sujet:

Kurde, de nationalité turque, Kemal Osgül dépose une demande d'asile politique dès son arrivée en France en 1982. A cette époque en Turquie, une dictature militaire opprime le pays, pourchassant, emprisonnant et assassinant parfois ses opposants, en particulier la minorité kurde.

Dans le Mantois, le jeune immigré se fait embaucher à Epône, dans une entreprise du bâtiment dirigée par la famille Pirault, laquelle exploite son personnel en majorité d'origine étrangère en méconnaissant totalement le Code du travail et en lui faisant subir de perpétuels retards de salaire. Alertée en 1984, l'Union locale CGT saisit l'Inspection du travail et intente une action devant les prud'hommes. Des salariés de l'entreprise se syndiquent à la CGT, dont Kemal Osgül; un délégué syndical est nommé. Le Conseil de prud'hommes ordonne le paiement des arriérés de salaire.

Le 5 octobre 1984, la direction de l'entreprise fait toujours la sourde oreille et en fin de compte, les salariés se mettent en grève en occupant les locaux. Le 6 octobre, le conseiller général d'Epône tente une conciliation; or les rappels de salaire obtenus ne sont pas en rapport avec les dettes de l'entreprise envers ses salariés. Ceux-ci avaient repris le travail pourtant. Mais le 9 octobre, devant l'entreprise qui cherche à déménager matériel et installations, ils réoccupent les locaux.

Les Pirault obtiennent de la Justice une ordonnance de référé pour l'expulsion des grévistes. Ils auraient pu donc la faire appliquer par tous les dispositifs que leur procure la Loi. En fait, ils en font fi et lancent contre leurs salariés un bulldozer et des bombes lacrymogènes. Alerté de la tournure violente qui s'engage, le sous-préfet intervient et la police met un terme à l'agression patronale démesurée.

Le 13 octobre, la sous-préfecture pilote des négociations avec l'entreprise, l'Union locale et les grévistes. Mais lorsque la délégation de la CGT sort dans la nuit du 13 au 14 octobre, un commando de nervis bloque la porte. La police intervient et raccompagne les délégués jusqu'à l'entreprise. Au cours de cette nuit, un coup de feu est tiré sur l'usine occupée. Le lendemain, lorsque les négociations reprennent, la cartouche retrouvée est remise au sous-préfet, sans que cela ne semble pas trop le préoccuper.

Le 14 octobre,  un protocole d'accord entérine un échelonnement du paiement des salaires, le maintien de l'emploi et la transformation des cdd en cdi, le respect du Code du travail et la dignité des salariés. Le 15 octobre, un premier acompte est versé, l'occupation cesse et le travail reprend. Le 19, un second acompte est honoré. Mais le 24, reniant sa signature, la direction licencie économiquement 45 salariés dont le représentant syndical. L'inspection du travail refuse ces licenciements, les salariés se rendent alors  sur leurs chantiers respectifs et demandent à travailler.

Le 31 octobre, reniant une fois encore le protocole d'accord, l'entreprise Pirault ne verse pas le solde des salaires dus. Le 31, les salariés se mettent en grève, mais sans occuper le siège de la société. Du 2 au 9 novembre, l'Union locale alerte la population, les pouvoirs publics, collecte en faveur des grévistes, intente une nouvelle action devant les prud'hommes. Le 10 novembre, les grévistes se réunissent à la maison des syndicats de Mantes. Ils décident d'une grève de la faim dans les locaux de l'entreprise; par l'intermédiaire de l'Union locale, un communiqué sur leur action et les raisons de celle-si est adressé à l'agence France-Presse.

Les salariés rejoignent leur entreprise dans la soirée avec les responsables de l'Union locale. Tout semble calme. puis aussitôt, des coups de feu sont tirés sur eux. 4 ouvriers sont blessés et transportés immédiatement à l'hôpital de Mantes. Kemal Osgül, 20 ans, meurt lors de son transfert.

François Mitterrand, président de la République va s'incliner devant le corps de Kemal Osgûl, à  l'insitut médico-légal de Paris avant que sa dépouille mortelle ne parte pour la Turquie.  M. Beregovoy, 1er ministre  déclare sur Europe 1 que "la Justice  doit aller vite  et être exemplaire". Mais le fondateur de la société Pirault est relâché aussitôt sans suite judiciaire. Son fils, directeur de l'entreprise, n'écope que de trois mois de prison avec sursis. Leur vigile, inculpé d'homicide volontaire et de tentative d'homicide, n'est condamné qu'à 4 ans de prison.

Plus de 20 000 personnes participent à la manifestation parisienne à laquelle la CFDT et FO ne s'associent pas. Celle de Mantes draine 3 000 personnes, à l'appel de la CGT et du PCF dont Kemal Osgül était adhérent. Une prise de parole intervient devant le groupement des industriels de la région. Dans le Mantois, CFDT, FO, FEN, Parti socialiste, Association des travailleurs turcs de France et MRAP sont aussi présents.

Une délégation de quatre personnes accompagne le corps jusqu'en Anatolie orientale. A la fin des obsèques, ces quatre Français sont amenés par la police et interrogés durant plusieurs heures. Le journaliste du Monde, qui faisait partie de cette délégation, racontera "combien l'ont impressionné les pistolets mitrailleurs pointés sur la foule au cours de l'enterrement. Dix-huit soldats encerclaient la cérémonie. Lors de l'enterrement, quatre autres soldats étaient autour du cercueil, leurs pistolets mitrailleurs pointés à hauteur d'homme."

Le journal Paris-Mantes, retraçant la chronologie des faits, écrit: "Les deux parties s'acheminaient vers un affrontement inéluctable. C'est là où le silence des autorités du département est incompréhensible. Le préfet avait les moyens de séparer les protagonistes en fermant le siège social d'Epône et en prenant des mesures conservatoires envers le personnel. Le danger était donc réel et non pas de fausses idées de la CGT. Mais voilà, personne n'y a cru et ce choix du pourrissement est devenu tragique... Pourquoi des hommes sont-ils entrés dans un lieu dont ils savaient les dangers? ils y sont entrés parce qu'ils avaient une idée de la liberté du travail et de la liberté tout court en France. Mais en passant le grillage, ils avaient franchi la frontière d'un autre monde: celui de la haine et de la violence."

Le 10 novembre 1984, Kemal Osgül était assassiné dans le Mantois: pour ne pas oublier

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M
Merci Roger pour cette piqûre de rappel bien utile. Je me souviens d'un soir avant ces événements funestes où, de l'intérieur de l'entreprise, nous avions cru à des pétards avec quelques sifflements sur les grilles de l'entreprise. Déjà, on nous tirait dessus et nous avions eu du mal à y croire. C'est que nous venions de trouver dans le bureau de l'entreprise les documents de la constitution de ... 7 ... entreprises avec les mêmes actionnaires s'interchangeant les rôles. Dans une autre pièce (type garage) nous avions également trouvé quelques affiches électorales (de monsieur Pirault pour une liste municipale de droite &quot;dure&quot; à Aubergenville ainsi que quelques affiches du Front national).<br /> Autre particularité de ce conflit. Monsieur Pirault avait pris garde de bien différencier &quot;ses catégories&quot; de salariés: les Français (à qui il versait les salaires) et les kurdes (à qui il donnait des chèques sans provision - émanant sans doute d'une des 7 sociétés fictives qu'il avait créées) afin de les diviser.<br /> Et c'est au moment où les salariés &quot;français&quot; se sont mis - eux aussi - en grève que ... les premiers coups de feu ont fait leur apparition.<br /> Quoi qu'ont voulu en dire, à l'époque, nos élites bien-pensantes, il ne s'agissait pas &quot;de racisme ordinaire&quot; mais d'un conflit de luttes de classes avec l'une d'entre elles qui, se sachant minoritaire, tente d'abord d'opposer les salariés entre eux avant de jeter le masque quand cela ne marche pas.<br /> Bien amicalement. Marc
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