Nigeria, au-delà de l'émotion: José Fort met les pendules à l'heure
Au risque de passer pour un cœur sec, je l’affirme: les démonstrations parisiennes et obamesque par dames interposées me gênent, m’indisposent.
L’enlèvement des 200 jeunes filles par la secte Boko Haram qui sème le chaos depuis des années au Nigéria donne la nausée. L’émotion face à une telle horreur prolongée par des actions citoyennes et solidaires est compréhensible, juste, nécessaire. Les femmes, les personnalités, les artistes, les gens « de rien » qui se rassemblent pour crier « rendez-nous nos filles » ont raison d’afficher leur volonté de sauver ces gosses aux mains de tueurs fous.
Seulement fous ? Exprimer sa peine, son indignation, sa colère ne suffit pas. Il faut aller au delà, au risque sinon d’en rester au constat. Les gouvernants nigérians ont fabriqué un monstre, le Boko Haram, comme Reagan et les Occidentaux avaient accouché des Talibans en Afghanistan. Les ingrédients sont les mêmes : élites corrompues, richesses dans une partie du pays, l’autre laissée à l’abandon, appareil d’Etat gangréné bénéficiant de la complicité silencieuse des Etats-Unis et de l’Union Européenne.
Il faudra continuer à mobiliser pour obtenir la libération des 200 jeunes filles nigérianes. Dans le même mouvement, il faudra dépasser les hypocrisies faciles et médiatiques en pointant les vrais responsables du crime : ceux qui ont nourri et armé les assassins.
José Fort
Source: le blog de José Fort
Note de ma pomme: Le Nigéria (177 millions d'habitants) est le pays le plus peuplé d'Afrique. C'est aussi le plus riche de ce continent. Son sous-sol est riche en ressources naturelles parmi lesquelles le pétrole et le gaz constituent la principale source de revenu du pays. Le Nigéria est aussi le premier producteur d'or noir d'Afrique. Il produit également un certain nombre de métaux (étain, fer, plomb, zinc…).
Mais ces revenus vont vers à peine 25% de la population. De plus, la corruption, y compris au sein de l'armée et de la police, n'est pas rien. Le Nigéria est classé dans ce domaine à la 130e place mondiale sur 180, selon l'ONG Transpareny international. De plus, le pays est le plus soumis aux fuites de fonds par des pratiques financières illicites (10 milliards de dollars par an). Paludisme, poliomyélite, choléra, méningite, sida sont des maladies omniprésentes au Nigeria. L'espérance de vie est d'environ 52 ans en 2013. La mortalité infantile est à 20,1 %. Il y a 37 médecins pour 100 000 habitants et l'alphabétisation recule d'année en année.
Le nord du pays est particulièrement laissé en déshérence et est ainsi un terreau fertile pour l'islamisme fasciste de Boko Aram. Les gesticulations des grands de ce monde capitaliste ne s'attaquent jamais aux causes de toute cette misère sociale. Par contre, par exemple, les compagnies pétrolières étrangères, Shell ou Total, s'engraissent sur le pays en opérant en dehors de tout respect du droit humain.